Des parcours
atelier racolta
Thèse de doctorat
Radu PETRU RACOLTA
Diplôme de Docteur en Histoire, Aménagement, Territoires et Patrimoine
Décerné avec la mention Très Honorable au titre de l’année universitaire 2009/2010
Titre de la thèse :
L’architecture totalitaire. Une monographie du Centre Civique de Bucarest
Deux volumes – 453 pages
Université Jean Monnet de Saint-Etienne ; Ecole Doctorale : ED 483 Lyon 2 Histoire
Section CNU : 22 Histoire/ Civilisation des mondes modernes et contemporaines
« …l’objet principal de la recherche est d’ordre monographique : il s’agit de faire l’histoire du projet et de la construction du Centre Civique ainsi que des profondes transformations urbaines qui les ont accompagnés. Une première partie rappelle le contexte géographique, historique et idéologique. Ce travail, qui n’est pas le centre de l’effort de recherche, était nécessaire pour expliquer la genèse du projet et tenter de comprendre les mécanismes qui ont engendré la démesure.
Dans la deuxième partie, […] l’auteur dresse un historique de la conception et de la mise en œuvre –et de la mise en scène- du projet. Nous sommes là au cœur de la production propre à la thèse. La concaténation des éléments de diverses natures recueillis par M. Racolta produit une image plus claire de l’histoire de ce projet démesuré.
Cette partie se complète d’une troisième partie qui revient sur le lien entre l’architecture et le projet politique qui l’a produite. Elle met en évidence la nature totalitaire de cette architecture qui tient autant à son mode de production qu’à sa forme. M. Racolta met ainsi en évidence des schémas repérables d’organisations d’acteurs. Les deux dernières parties traitent de la réception de cet héritage, en le comparant à d’autres exemples d’architecture totalitaire, et des limites du modèle classique comme incarnation de la monumentalité.
En conclusion, […] cette thèse nous emmène du côté théorique avec une réflexion sur la notion d’échelle, …, de limite et d’identité, …, et apporte des éléments nouveaux à l’historiographie de l’architecture totalitaire. [1]»
[1] Rapport de soutenance de la thèse de doctorat rédigé par Mme. Jacqueline Bayon, Professeur
Au cœur de l'enseignement
Radu PETRU RACOLTA
Entre septembre 2005 à juin 2013 j’avais fait partie une équipe d’enseignants à l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Saint-Étienne. Cet établissement a structuré son projet pédagogique autour de quatre domaines interdisciplinaires aux problématiques bien distinctes :
Paysage – Art – Design
Architecture, Urbanisme, Territoires
Formes, Architecture, Milieux
Habitat, Culture, Environnement
Des êtres extraordinaires, des architectes passionnés, des hommes qui ont fondé la singularité intellectuelle de l’Ecole d’Architecture de Saint-Etienne m’ont permis de découvrir l’architecture et, par la suite, m’ont accordé la chance de les accompagner dans leur enseignement. Ce regard de confiance à l’égard des étudiants, ce don de partage et l’exigence dans leur manière d’approcher la transmission du savoir a généré en moi l’envie de m’impliquer de plus en plus dans l’enseignement.
Pour consolider mes connaissances et fortifier une attitude plus mature face aux défis de notre profession j’ai fait une thèse de doctorat. Ce temps d’immersion universitaire fut porteur d’un grand plaisir à découvrir le lien étroit qui caractérise la production architecturale et la pensée politique qui l’engendre. La recherche est une dimension essentielle dans l’exercice de notre métier. Elle nourrit et ouvre sans cesse un questionnement sur ce que nous sommes, sur la lecture de notre passé et sur le discernement de notre devenir, sur notre manière d’écrire le monde et de le transformer.
Partagé entre deux semestres distincts, le S2 (semestre2) et le S3 (semestre 3), j’ai pu apporter ma contribution dans le domaine Architecture, Urbanisme, Territoires. Ce projet pédagogique a la vocation d’offrir un point de vue sur la dimension territoriale de l’architecture : le contexte du projet d’architecture ou l’objet du projet urbain. La ville, cadre bâti ou architecture sont donc abordés dans leurs dimensions historique, temporelle et sociale, celles-ci étant créatrices de modes de vie et de formes d’urbanisation.
Dans le S2 nous fûmes appelés à générer deux temps forts d’enseignement. Le premier est celui que nous désignons comme étant « l’analyse urbaine ». C’est un exercice qui porte en lui l’exigence de faire découvrir à l’étudiant la complexité urbaine qui nous entoure et de faire connaissance avec des édifices emblématiques qui la composent. De même, nous pouvons inviter les étudiants à faire le lien entre une pensée, une architecture et un architecte. Le deuxième temps s’attarde davantage sur la simulation d’un projet architectural en site réel. A partir d’un territoire situé à proximité de notre ville, nous proposons un programme qui devra trouver toute sa justification dans les propositions construites par les étudiants.
Voici quelques notions de base sur lesquelles nous avions travaillé avec les étudiants à l’occasion des différents projets-exercices au sein de l’ENSASE. Avant de commencer à dresser des plans et faire des croquis autour du programme imposé nous demandons une attention particulière à l’égard du territoire.
Lecture objective, sensible et « savante ». La lecture d’un site doit prendre appui sur des données de nature objective résultant des caractéristiques géologiques, topographiques, climatiques et paysagère. Cette découverte sollicite différentes échelles de lecture et tente, au travers une approche souvent fragmentée, de restituer un tout cohérent à travers une synthèse cartographique. Cette lecture doit également révéler des valeurs plus subjectives propres aux qualités sensibles des lieux, des espaces et des formes qui composent le site : ombre, lumière, rythme, séquence, ordonnancement, silence. Cette lecture doit enfin puiser ses sources à l’origine des événements construits et de leur histoire.
Le géométral. Un système de représentation plane permettant de mettre en relation, dans leur vraie grandeur, les déterminants de l’espace. Savoir lire, décrire puis transposer en plan, en coupe et en élévation l’espace abordé d’un point de vue raisonné et sensible.
La lecture en plan. Le plan topographique effectué par un géomètre apporte des réponses objectives. Cette représentation cartographique témoigne principalement des limites juridiques du terrain, de la topographie et des principales données matérielles définissant une propriété foncière (planimétrie / altimétrie/ bornage etc.)
Ces données objectives doivent s’enrichir des composantes spatiales du site.
Parcourir le site inlassablement pour en reconnaître son « architecture ». Quelles sont les « lignes de force », les limites majeures, les repères singuliers, les lumières, les parfums et les présences sonores.
Apprécier les paysages de proximité qui le composent et les ouvertures paysagères qui le relient aux lointains.
Evaluer les valeurs d’ensoleillement et d’ombrages.
Prendre la mesure du substrat végétal.
Repérer les ruptures de pentes, les entraves, les différentes déclivités au regard de la mobilité et de la stabilité d’un corps humain (enfants, adultes, personnes âgées)
Dresser un inventaire des matières et des matériaux qui participent de la nature diversifiée des sols et questionner les limites résultant de leur côtoiement.
Suivant l’échelle de représentation choisie, cette lecture spatiale et la diversité des messages qui en résultent doivent pouvoir se traduire graphiquement en plan. Cette représentation plane est indissociable d’une lecture en coupe.
La lecture en coupe-élévation.
Le sol et le substrat végétal. Entre l’aérien et le souterrain, l’épaisseur d’une limite, un « épiderme », une « lisière ».
Différencier ce qui procède d’un ordre « naturel » de ce qui résulte de l’intervention humaine (le fait « anthropique ») : l’humus, la roche « mère » …. Un muret, un fossé…
Déduire la conformation possible du sous-sol à partir de son état de surface et des matières et matériaux qui le composent. Identifier les roches.
Evaluer toute déclivité à partir de deux référents : l’horizontale et la verticale (le fil à plomb et le niveau d’eau).
Savoir affecter une valeur angulaire (pente de 10% et un fruit de 3%).
Evaluer les hauteurs de toutes choses érigées en les relativisant dans leur rapport à la grandeur du corps humain : “l’échelle humaine” : la hauteur d’un mur, d’un arbre, d’un bosquet.
La construction d’un « arrière-plan » au service de la représentation. Recueillir toutes les données paysagères susceptibles de contribuer à la représentation du projet et à la mise en forme des élévations.
Le rapport d’un site à son territoire
Son histoire, le « vécu » d’un lieu (usage et pratiques sociales)
Sa situation géographique et économique, ses accès.
Le site vu au-delà de ses propres limites : d’en haut, d’en face.
Le paysage et ses déterminants
L’aérien et le souterrain : les forces relevant des phénomènes naturels et le langage des formes qui en résulte : croissance, dégénérescence, érosion, éruption, fragmentation, fissuration….
Les données anthropiques : la transformation par l’homme d’un ordre naturel existant : « horizontaliser » un sol, le cultiver, le délimiter.
La composition du sous-sol et ses éventuelles “résurgences” : enrochement, affleurement rocheux, sources, etc.
Le “substrat” végétal : les différentes strates (muscinales, herbacées, arbustives et arborescentes)
L’orientation d’un terrain : les incidences climatiques : vent, soleil, vue…. Dégagé, abrité, lumineux…
L’“architecture” d’un arbre en situation.
Quelle nouvelle architecture des sols, comment franchir un talus ? (Un escalier ? des pas de mule ? un plan incliné ? …)
Comment installer une assise, une esplanade ?
Le déblai, le remblai, le mur de soutènement… quel rapport physique entre une terre “fluide” et un mur solide ? quelle incidence formelle ?
Le “jardin secret” : quelles approches poétiques, symboliques ou oniriques. Les dimensions cachées d’un lieu : être bien, ici…. “L’éloquence d’un site”, l’intimité d’un lieu,
L’approche sensorielle : le bruit, l’ombre, les parfums….
Vers un projet
L’enjeu formel : le rapport entre l’édifice et son contexte
Les figures dominantes : centrées, fragmentée, étirée verticalement, horizontalement, scandée, sur “pilotis”, sur soubassement, (terrien / aérien)
La composition : composer les espaces et les formes à partir des données du site :
Quelle “posture”, quelle assise, quel ancrage, quelle présence ?
Composer avec les dualités dominantes : public/privé – intime/communautaire – montré/caché –souterrain/aérien.
L’architecture orientée : -La composition de l’enveloppe – recevoir la lumière naturelle – regarder vers – être vu – tourner le dos à….le devant, le derrière.
La recherche d’une unité : la continuité du bâti, l’unité formelle, l’enclos, les parcours, les relations spatiales, le jeu : « intérieur/extérieur » : la cour, le patio, la terrasse….
L’intégration : la” différence” redoutée…le mimétisme : une réponse frileuse ? : imiter, se fondre, s’intégrer……!!
Nécessairement : inscrire le projet dans sa modernité. « A chaque époque son art et à l’Art la liberté[1] »
[1] Gustave Klimt